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L’organisation du pouvoir à l’Ile Maurice à la période néerlandaise

Ce fut en 1598, lors de leur seconde expédition aux Indes orientales, que les Néerlandais découvrirent et prirent possession de l’île.  Il la nommèrent en l’honneur du prince Maurice d’Orange. Celui-ci était alors le Stathouder, c’est-à- dire, chef militaire et politique, de toutes les Provinces Unies des Pays-Bas. C’était pendant la Guerre de Quatre-Vingt-Ans (1568 – 1648), une longue révolte armée de certaines provinces des Pays-Bas espagnols contre leur souverain, le roi d’Espagne. En 1579, sept provinces, dont les forces étaient commandées par le père de Maurice – Guillaume de Nassau – déclarèrent leur indépendance et formèrent ainsi la République des Provinces-Unies. Maurice de Nassau devint le stathouder de toutes les Provinces-Unies en 1590.

(Portrait du Stathouder Maurice d’Orange par Michiel Jansz. van Mierevelt, 1607)

 

Après la prise de possession, les Néerlandais se servirent de l’île comme d’un port de relâche et d’approvisionnement. Nonobstant la prise de possession par les Néerlandais, les Français, les Anglais et les Danois ainsi que des pirates y relâchèrent de temps à autre. La première tentative de colonisation par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (la « VOC ») dura de 1638 à 1658. Il s’agissait avant tout de jeter les bases d’une colonie d’exploitation et non pas celle d’une colonie de peuplement. Quant au second établissement, il allait partir de la nouvelle colonie du Cap de Bonne Espérance et il allait durer un peu plus longtemps, de 1664 jusqu’au départ définitif des colons et de l’administration en 1710.  

Représentation des activités des Neerlandais: “Comment nous avons (sur l’Isle Maurice, autrement nommée do Cerne) tenu mesnage” extrait du récit de voyage “Description du pénible voyage faict entour de l’univers ou globe terrestre par Sr Olivier du Nort, d’Utrecht, général de quattre navires..,” publié en 1610 (source: gallica.bnf.fr) 

La VOC était une compagnie de commerce créée en 1602 par le gouvernement des Provinces-Unies, réunissant en un seul corps les diverses compagnies qui existaient alors. Elle fut investie du monopole du commerce avec les Indes orientales, c’est-à-dire, tous les pays d’Asie et de l’océan Indien. Pour la défense de ses intérêts aux Indes orientales, la compagnie jouissait d’une grande autonomie et exerçait elle-même les fonctions régaliennes de justice, de police et de défense militaire. 

Néerlandais relâchant sur une plage de l’île Maurice. Gravure extraite de la Cinquième Série des “Petits Voyages” aux Indes Orientales, publié par Théodore de Bry en 1601 sur la base d’observations communiquées par des explorateurs et navigateurs. (Source: gallica.bnf.fr) 

La colonie était dirigée par un commandant(“Opperhoofd”) qui était aussi chef de comptoir, dont le supérieur immédiat était le gouverneur-général des Indes néerlandaises à Batavia, sous la haute autorité métropolitaine du Conseil des Dix-Sept de la VOC. Les pouvoirs administratifs et militaires étaient rassemblés dans l’office du commandant. Il était parfois aidé par un conseil composé des sous-officiers de la  VOC et de la garnison. La hiérarchie administrative et la chaîne de commandement étaient simples – le commandant était l’unique officier décisionnaire et responsable. Si les pouvoirs étaient concentrés dans l’office du commandant, celui n’était, cependant, qu’un agent de la VOC, et un officier subordonné du gouvernement général des Indes néerlandaises. 

Les raisons qui poussèrent la VOC à établir un comptoir à Maurice étaient d’ordre purement commercial et stratégique. Il s’agissait de s’assurer l’exploitation des ressources naturelles, dont principalement le bois d’ébène, et de disposer d’une station sur la route des Indes, à l’ exclusion des autres nations européennes et des pirates. Cependant, le comptoir ne disposait à aucun moment des ressources militaires nécessaires pour empêcher les vaisseaux étrangers et pirates de continuer de relâcher et de s’approvisionner en vivres et en bois d’ébène. Avec les échecs des cultures agricoles du second établissement, dus au manque de main-d’œuvre servile (lié à l’échec des tentatives de commerce avec Madagascar), aux déprédations des bêtes, à la violence des ouragans, aux attaques des esclaves marrons, la situation du comptoir devenait précaire. En même temps, les réserves d’ébènes s’amenuisaient. L’île Maurice ne rapportait plus suffisamment de profits pour justifier les dépenses de la VOC.

Faute de moyens et d’infrastructures nécessaires, l’apport des colons libres du Cap ne parvint pas à dynamiser autant l’agriculture que le commerce. La VOC préféra donc rediriger ses ressources vers des colonies plus rentables et stratégiquement viables. Devant tant de défis et de nouvelles perspectives, la VOC décida d’abandonner l’île en 1710. 

Table: Liste des Commandants de Maurice sous la VOC
1. Cornelis Simonszoon Gooyer 6 mai 1638 7 novembre 1639
2. Adriaan van der Stel 7 novembre 1639 1645
3. Jacob van der Meersch 1645 Septembre 1648
4. Reinier Por 1648 1653
5. Joost van der Woutbeekr 1653 1654
6. Maximiliaan de Jongh 1654 1656
7. Abraham Evertszoon 1656 16 juillet 1658
Abandonnée du 16 juillet 1658 à 1664
8. Jacobus van Nieuwlant 1664 Mai 1665
9. Georg Frederick Wreede 1665 1667
10. Jan van Jaar 1667 1668
11. Dirk Janszoon Smient 1668 1669
12. Georg Frederick Wreede 1669 1672
13. Swen Felleson 1672
14. Philip Col 1672 13 février 1673
15. Hubert Hugo 13 février 1673 4 octobre 1677
16. Isaac Johannes Lamotius 4 octobre 1677 22 octobre 1692
17. Roelof Diodati 22 octobre 1692 25 novembre 1703
18. Abraham Momber van de Velde 25 novembre 1703 17 février 1710
Abandonnée à partir de 1710: fin de la colonisation  néerlandaise

 

Rien ne subsistera à Maurice des institutions politiques sommaires de la période néerlandaise. Les seules contributions durables des Néerlandais auront été certains noms de lieux (Flacq, Pieter Both, Flic-en-Flac) et l’introduction d’arbres fruitiers et d’animaux domestiques (et du gibier, notamment le cerf de Java, qui figure comme l’un des supports dans les armoiries nationales mauriciennes). 

 

Références

Bonaparte, prince Roland. Le premier établissement des Néerlandais à Maurice. Paris, France: imprimé pour l’auteur, 1890.

Chan Low, Jocelyn. La VOC, T’Eylandt Mauritius et Rodrigues. Port Louis, Ile Maurice: National Library, 2001 

Moree, PJ. A Concise History of Dutch Mauritius, 1598 – 1711. London, UK: Kegan Paul International, 1998

Pitot, Albert. T’eylandt Mauritius: esquisses historiques (1598-1710). Port Louis, Ile Maurice : Coignet Frères & Cie Imprimeurs Éditeurs, 1905

Collection numérique de la Bibliothèque Nationale de France “Gallica”: http://gallica.bnf.fr